Quand l'autiste rencontre l'autiste.
Une fin d'après-midi banale.
Une partie de Wii qui s'éternise un peu, mais qui permet de se couper du monde autour, quelques instants. Se couper un peu plus qu'à l'habitude. Parce que cette bulle, elle est naturellement difficile à percer, par moments...
Et puis, le jeu cesse.
À ma demande.
Parce qu'on a de la visite, depuis déjà plusieurs minutes. Assise sur le divan, cette visite, près de l'autiste en plein jeu vidéo. C'est que c'est un privilège aux deux semaines, environ, de jouer à la Wii. Et que l'autiste en question y jouerait des heures, si on l'y laissait.
Le jeu est fermé.
Le silence règne. Presque.
Il circule un rire de malaise.
Parce que l'autiste a croisé un regard.
Parce que jusque là, elle avait fait comme si la visite n'était pas arrivée.
Mais la visite était là. À distance de bras. Prête à lui toucher.
Mais elle ne l'a pas fait. L'autiste non plus.
À travers une doudou, le contact s'installe.
-"Regarde comme elle est belle, ma doudou", lui dit-elle. (l'a-t-elle seulement prononcé tout haut ou si le silence a suffi?)
-"Oui, elle l'est. Je peux y toucher?"
-"Non. Ben oui. Mais attends que je la mette sur moi."
-"Ok."
(...)
-"Ok, là tu peux toucher."
-"Ici, sur ton pied? Ok... "
Mais un pied, ça s'arrête à la cheville, chère visite. Ne tente pas le mollet.
-"Non. Juste mon pied."
-"Ok."
Un malaise. Mais je me demande s'il vient de moi. S'il vient des vibrations extérieures.
En fait, je crois qu'il vient du tremblement des bulles.
Parce que voyez-vous, dans mon salon, il y avait deux bulles.
Et quand on voit deux bulles se bercer en cacophonie sur un divan, ça laisse parfois les spectateurs bouche bée.
Ces deux bulles sont solides. Elles se repoussent autant qu'elles s'attirent.
Ces deux bulles, elles font des pétillants quand elles se rencontrent.
Depuis la toute première fois, d'ailleurs.
Aurait-on dû se douter, à ce moment, que d'un côté comme de l'autre, la vie était la même?
On ne savait pas.
Et pourtant, par un jus de pomme et un bébé/poupée qu'on allaite, le courant a passé.
Elles parlent un autre langage. C'est facile se sentir de trop, quand elles discutent.
Une, grande, tente de converser. L'autre monologue plus souvent.
Malgré tout, elles se touchent. Et ça scintille.
Et je sais que ça part des trippes, en tous cas pour la petite bulle.
Comme la comparaison plate du Québécois que l'on croise au Mexique. On le reconnaît. Il a envie de nous jaser instinctivement.
Ces deux-là se reconnaissent. Se connaissent d'une autre vie.
Y'a de la folie entre les deux. Y'a beaucoup de mots, pas trop de ponctuation.
Y'a tout un monde où nous ne sommes pas invités.
Sur mon divan, cet après-midi là, il y avait ma fille. Et mon amie.
Quand l'autiste rencontre l'autiste.
*Je t'aime, mon amie toute spéciale. Dans toute ta splendeur, ta différence et pourtant, ton grand-pareil à ma vie de tous les jours. Merci.*
**Je ne parle pas de ma fille comme "l'autiste" en temps normal. Pour les besoins du billet, c'était plus percutant. Mais ne craignez rien, elle est tout plein de trucs, extraordinaires et plus ordinaires, en plus d'être atteinte d'autisme léger. Ce n'est pas "l'autiste" .. :)
14 novembre 2013
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1 commentaire:
Touchant, ce texte... Ça doit être beau à voir...
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