De métier, je suis éducatrice spécialisée, ayant gradué en 2000. Je n'ai exercé ce joli métier qu'une toute petite année, en milieu scolaire, avec des enfants de premier cycle présentant des troubles de comportement et d'apprentissage.
Je n'avais pas encore d'enfants, à ce moment-là, je ne pouvais donc pas savoir ce que cette "vie différente" impliquait, en-dehors des heures de classe. Je n'avais pas d'attachement profond pour ces enfants, ce qui me permettait d'agir face aux crises de façon relativement neutre.
J'étais la professionnelle, tentant d'aider à l'intégration. Travaillant mi-temps pour intégrer l'enfant à la routine de l'enseignant, et mi-temps à adapter l'enseignant au style d'apprentissage de l'enfant.
J'ai par la suite fait presque 2 ans de garderie, avec des groupes de 3-4 ans, puis un groupe de 18-24 mois. Je ne pouvais donc faire aucune comparaison avec mes élèves en difficulté d'autrefois. Encore moins avec des enfants que j'aurais élevés moi-même et vus grandir et évoluer.
Ça m'a donné une connaissance générale de l'enfant moyen.
Oui, j'avais bien sûr une petite puce, dans mon groupe de 4 ans, qui avait de la difficulté à descendre les escaliers, qui ne dessinait pas des formes concrètes et qui s'exprimait difficilement. Avec du recul, elle me fait drôlement penser à ma doudoune.
Oui, j'ai bien eu une petite fille qui me défiait toujours, voulait tout contrôler, que ses parents qualifiaient de "princesse", sous tous les sens du mot. Avec du recul, elle me fait drôlement penser au fils d'une bonne amie.
Mais je ne voyais que quelques heures par jour. Un enfant, qui m'était "prêté" le temps d'une année, 5 jours par semaine, en moyenne 7-8h par jour.
Maintenant, j'ai des enfants à moi. Je côtoie aussi les enfants de mes amies, d'âges variés, allant du bébé naissant à la belle adolescente de 13 ans. J'ai suffisamment de variété pour avoir un peu de tout, de l'enfant surdoué en sport, à l'enfant sage et conciliant, à celui qui souffre d'un manque affectif suite à une séparation dont on ne connaît pas tous les détails jusqu'à celui ayant été diagnostiqué avec un trouble oppositionnel. Du plus "normal" à celui plus "différent", j'ai de tout. Et j'essaie de ne pas comparer.
Parce qu'en 2 essais, j'ai aussi créé deux petits êtres totalement différents.
Ils sont formidables, chacun à leur façon. Non, je ne suis pas objective, mais je crois avoir mérité 2 des plus splendides et fascinants specimens.
Juste dans ma maison, j'ai une belle variété de forces et de faiblesses. J'ai un modèle plutôt dans la norme et un modèle différent. J'aime le défi de gérer les 2, sur la même ligne.
Mais je remarque que j'ai, avec l'expérience du travail, ma vie sociale et mon vécu personnel, une connaissance élargie des enfants qui m'obligent à tous les voir d'un oeil différent.
J'ai longtemps dit, après l'évaluation multi-disciplinaire de ma fille, que si tous les parents faisaient subir cette batterie de tests à leurs enfants, 90% ressortiraient de là avec un diagnostic. On a des noms pour tout, maintenant, même pour la différence qui autrefois n'en était pas une. Et connaître une si grande variété me pousse maintenant à voir des diagnostics sur des enfants dont les parents ne soupçonnent rien du tout.
Je n'ai pas aimé l'idée d'aposer une étiquette à ma fille. Sauf que, même si ça ne se guérit pas, le savoir nous a ouvert les yeux et a démystifié la plupart de ses réactions. Quand je vois un parent se débattre avec le développement de son enfant, peu importe dans quelle sphère, je me dis toujours que... "s'il savait, il travaillerait peut-être avec des outils différents".