30 mai 2014

Pas un héros.

Ce texte-ci: http://www.yoopa.ca/blogueurs/billet/mon-pere-na-jamais-ete-mon-heros#.U4iJMFmDWZs.facebook , de mon amie Julie, m'a inspiré ce billet-ci.

Le texte est touchant, il est vrai, il est dur et tendre à la fois. Mais c'est le titre qui m'a accrochée.

On s'apprête à fêter la fête des pères, et encore plus, je m'apprête à vivre le premier anniversaire du décès du mien. Le 2 juin.

L'an passé, ça m'a frappée, la fête des pères. Parce que maintenant, je ne suis que spectatrice. À la fête des mères, au moins, j'y gagne du réconfort, étant moi-même fêtée. Mais pas à la fête des pères.

Je pense souvent à mon père. Pratiquement tous les jours, je dirais, j'ai au moins une pensée pour lui.

Et pourtant, tout comme le billet sur Yoopa, mon père n'a jamais été mon héros.
Oh bien sûr, peut-être un peu, toute petite, dans la naïveté et dans l'amour inconditionnel qu'une fillette porte à son père.

Mon père n'était pas une personne facile à vivre, il n'était pas quelqu'un de facilement appréciable.
Alcoolique avec des habiletés sociales bien en deçà de la moyenne des gens, une tendance à la violence, une capacité d'écoute quasi-inexistante et une aversion pour tous les gens qui ne partageaient pas les mêmes intérêts que lui, il n'était généralement pas quelqu'un que l'on cherchait à côtoyer. Il était aussi maniaco-dépressif, ce n'est pas de tout repos, ça. Quelques tentatives de suicide, des épisodes dépressifs et des épisodes maniaques, qui se succèdent parfois très rapidement, surtout dans les dernières années...

Sur son lit de mort, à la fin mai, il me donnait des listes de noms. Des gens qu'il a connus, son frère, sa fille, son meilleur ami... Vous savez combien de personnes sont venues le visiter? Deux. Mon parrain et ma marraine. Malgré le fait qu'ils ne l'avaient pas vus depuis des années.

Aucun de ses chums de taverne n'a versé de larme ou tenté de venir exprimer ses sympathies. Aucun vieux collègue n'a cherché à le recontacter. Aucun membre de la famille de ma mère n'a répondu à ses demandes ou n'a manifesté d'empathie (sauf une cousine, des semaines après sa mort, d'un courriel un peu impersonnel...)... Les carnets de numéros de téléphone qu'il me donnait ou me demandait d'aller chercher dans son appartement contenaient des numéros qui n'existaient plus, qui ne menaient plus nulle part. Sa propre fille a appris son décès un mois et demi plus tard.

Il est mort seul, avec moi.

Je n'ai pas été capable de le laisser mourir seul.

Pourtant, j'avais bien laissé ma mère quelques heures, pour m'occuper de mon bébé, quand elle a décidé de partir. Elle qui n'a jamais failli à sa tâche de mère.

Je n'ai pas quitté le chevet de mon père les 3 derniers jours avant sa mort et j'y suis allée quotidiennement pendant des semaines.

Je l'ai lavé. Je l'ai changé. Je l'ai recouché alors qu'il tentait de se sauver. Je l'ai écouté m'engueuler car je n'avais pas encore fait déménager ses bibliothèques de livres à l'hôpital. Je l'ai écouté me lister des noms de gens que je devais retrouver.

Mon père est mort, quasi seul. Parce qu'il a créé cette solitude autour de lui.

Il n'a été le héros de personne.

C'est dur de l'écrire, mais mon père n'était pas un être humain agréable, de façon générale.

J'ai bien sûr quelques souvenirs de lui, des bons même...

Mais n'est-ce pas là la seule beauté des départs? On ne se rappelle presque que du positif.

Pourtant, entre moi et mon père, il y en a eu, du négatif.

Il n'a pas été mon héros, et pourtant, il a si souvent écrit à quel point j'étais le plus merveilleux bonheur de sa vie. Il a toujours eu tant de misère à accorder ses actes avec ses écrits.

Il a passé ses derniers jours dans un état semi-comateux, puis comateux. Juste avant de sombrer pour de bon dans un coma muet, les derniers mots qu'il m'a dit ont été "je t'aime, mon miracle".

Non, mon père n'était pas mon héros. Il a même souvent été mon fardeau.
Malgré tout, il a été celui qui m'a aimée inconditionnellement dès le premier jour de mon existence. Il a été mon père. Ni grandiose, ni remarquable, mais le seul que j'avais.