28 mars 2011

Magie de l'enfance.

Quand on devient parent, on réalise rapidement qu'il n'y a pas de mode d'emploi. Bien sûr, on peut trouver des livres qui expliquent la technique de l'allaitement. On peut y lire comment préparer un biberon. On y apprend par quel aliment il est préférable de commencer lorsque bébé mange des purées.

Puis, bébé grandit.. les guides deviennent plus vagues. Chaque parent doit apprendre, dès la naissance de son enfant, à faire ce qu'il croit être bien. À ne pas se fier sur des listes. À y aller au feeling. Et c'est bien comme ça, parce que l'humain, ce n'est pas un meuble à monter. Et même avec une "recette", le spaghetti de la voisine ne goûte pas comme le nôtre, alors à quoi bon tenter de suivre "un plan" avec les enfants. Chacun devient le parent qu'il croit être le bon.

Malheureusement, un jour, on se heurte à la société. Que ce soit tôt ou tard, il y aura un moment où on se questionnera. Ça arrivera même souvent...

Je suis face à un de ces murs. Je me questionne, pas tant sur la façon dont j'ai fait les choses, mais sur le résultat. Et pas le résultat direct sur mes enfants, mais face au monde qui les entoure.

Mes enfants ont grandi avec moi, à la maison. J'ai parfois l'impression d'être une des rares familles extra-terrestres à ne pas avoir de jeu vidéo d'aucune sorte. Ils aiment les jeux simples, adorent le bricolage, les jeux de rôle, les livres.

Ils ont la capacité de se créer du bonheur avec ce qui les entourent. Pendant les congés, ils sont heureux de rester à la maison pour jouer à pleins de trucs. Ils aiment les jeux de société en famille, les cinémas maison avec popcorn maison et jus. Ils aiment ce qu'ils aiment, sans se demander si c'est de leur âge, si c'est encore "in", si ça se justifie en dehors de la maison.

Puis vient le temps d'amener des choses à l'école. Pour une présentation ou une activité en classe.
Quand je les regarde, je suis fière. Fière de les voir apprécier ce qu'ils ont. Fière de les voir garder leur coeur d'enfant.
Puis un jour, l'un d'eux revient en disant que son jouet était "pas cool".. ou "bébé".. que personne n'a voulu jouer avec parce que son bonhomme était plate. Ou sa poupée trop vieille et pas belle.

Et je me dis que lorsqu'on sort de chez soi, on s'expose. On s'expose au "mode d'emploi" non écrit. Celui qui dicte aux parents quoi acheter à Noël. Celui qui dicte aux enfants que Dora, passé 3 ans, c'est bébé. Celui qui dit aux enfants qu'un bonhomme qui ne fait rien, on n'est pas supposés lui inventer une vie et le faire parler, on devrait juste le donner.

Je me suis surprise moi-même, il y a deux semaines, à refuser à ma fille d'amener le jouet qu'elle voulait amener. Pourtant, elle joue beaucoup avec ici. Elle s'amuse, l'apprécie pour ce qu'il est. J'ai eu peur du jugement. Je m'en suis mordu les doigts toute la journée après. Je tombe dans le piège, mais ma pauvre puce qui a tant de misère au niveau social à l'école, je veux qu'elle n'ait rien à se reprocher sur ce que je contrôle. Des vêtements propres, beaux. Des cheveux peignés, le visage lavé. Elle sent bon, elle est belle, elle est bien habillée. Je me suis surprise à vouloir contrôler l'incontrôlable, pour lui éviter une peine.

Et je me questionne....

Le petit appareil photo rose qu'elle voulait amener a encore l'étiquette de prix dessus. Elle veut la garder, elle l'a acheté elle-même à notre voisine l'été dernier à sa vente de garage. 5 sous.
5 sous dont elle profite allègrement.
5 sous pour une caméra rose qui ne prend pas de photo. Qui n'a pas de dessins dessus. Qui n'a aucun bouton sur lequel peser ni aucun effet sonore.
Juste une caméra. Pour jouer à faire semblant de prendre des photos.

Et puis, un jour, cette caméra se retrouvera sur une tablette. Oubliée. Ma doudoune ne se souviendra plus de tout le plaisir qu'elle a eu à jouer avec. Ni la fierté de l'acheter elle-même.

Un jouet désuet. La magie de l'enfance partie.
Perdue.
Parce que peu importe les belles valeurs qu'on montre à nos enfants, il y a des choses qui ne se contrôlent pas. La magie de l'enfance, elle s'en va. Peu à peu, dès le premier jour où on ouvre la porte de sa maison...

16 mars 2011

La terre a tremblé. Même date, 20 ans plus tard!

Aujourd'hui, la terre a tremblé. Vraiment. Le sol a bougé. Pas autant qu'au Japon, bien évidemment. Assez pour faire jaser. On aime se sentir en sécurité, les deux pieds bien installés sur une base solide et quand la terre bouge, on sait que rien n'est infaillible. Qu'il faut apprendre un équilibre à toute épreuve parce qu'on ne peut pas toujours compter sur le sol sous nos pieds.

J'ai appris à garder l'équilibre sur un sol mouvant.
Il y a EXACTEMENT 20 ans.

16 mars 1991.

Mon sol a tremblé. La glace de la rivière a cédé. Quatre petits pieds ont perdu l'équilibre. Deux ne l'auront jamais retrouvé. Mon meilleur ami de 6ème année mourait, noyé dans la Rivière des Mille-Iles.

Un pupitre vide devant le mien. Une classe en deuil.
Un groupe d'enfants de dix et onze ans marchant vers l'église, pour des funérailles à couper le souffle par leur tristesse.

Je me souviens avoir lu un texte que j'avais composé. Je l'ai même retrouvé récemment.
En le lisant (vite, pour ne pas pleurer), je ne me souviens pas avoir senti le sol sous mes pieds.

Ils n'auront retrouvé son corps que plusieurs mois plus tard, à l'automne 1991. Je ne sais plus combien d'heures j'ai passé, près de la rivière, à regarder le courant. Le bruit sourd des chutes sous la passerelle m'apaisait un peu, même en sachant que c'était ce même courant qui avait emporté un enfant. Un enfant dont j'avais célébré quelques anniversaires, mais qui ne mettrait jamais les pieds au secondaire.

Mon sol a tremblé. Depuis, il a arrêté. Mon équilibre est revenu. Pas ma foi.
On est tous et chacun responsable de se tenir debout. On ne sait jamais quand notre équilibre sera mis à l'épreuve.