28 novembre 2013

Je sais pourquoi...

Je sais maintenant pourquoi, mais je ne sais toujours pas comment..

Mais, je sais quand.

Je sais quand mon père est mort. Quand il a pris son dernier souffle, puis s'en est allé.
Je le sais, j'étais près de lui et je tenais sa main.
Je me suis demandé s'il était vraiment parti. Mais le souffle suivant n'est jamais venu.
Sa main était encore chaude. Son coeur ne battait plus.

J'ai assisté à sa mort, alors qu'il a si peu assisté à ma vie.

Puis, la mort a fait moins mal.
Parce que la mort est un événement. Ça arrive en un souffle. Un battement de coeur et puis c'est là.

Il est mort. Il le sera toujours.
La douleur du moment a semblé avoir passé.

Puis, les jours, les semaines, les mois se sont réinstallés entre lui et moi.

Il est mort une seconde fois en juillet (voir ici ) puis, encore une fois, le temps s'est réinstallé.

Puis, un rappel. Très froid, très inhumain.
Une voix dans ma tête. "Vous avez six mois à partir de la date du décès pour accepter ou refuser une succession, au-delà de quoi vous en êtes automatiquement responsable."

Mais je l'ai repoussée. La mort avait fait mal. Je ne voulais pas y penser.

De temps en temps, ici et là, j'ai sorti des papiers. Je me suis même lancée à faire un ou deux téléphones, ici et là. Puis j'ai tout refermé.
Il est mort, c'est tout.

J'ai repoussé, oublié, repoussé, angoissé, puis j'ai compris.
J'ai compris, parce que six mois, c'est lundi prochain.

Quand l'horloge a sonné dans ma tête, elle sonnait comme la mort.

Contrairement à ce que mon amoureux me disait, je n'avais pas réglé ça rapidement pour passer à autre chose.

J'ai laissé traîner. Parce que pendant ce temps, le temps existait encore, quelque chose me liait à lui, à sa mort. Et sa mort me faisait mal. Alors j'ai laissé sa mort de côté et j'ai vécu.

Jusqu'à aujourd'hui.
J'ai écouté la notaire. J'ai entendu mon nom. Son nom. Des dates. J'ai vu son visage, dans ma tête. Ses yeux pleins d'eau qui me disaient, de son lit d'hôpital "je ne voudrais tellement pas que tu aies des problèmes avec tout ça"...

Je sais pourquoi c'est si difficile. Et pourquoi ça a pris six mois avant que je ne règle sa mort.

Mon père n'était pas présent dans mon quotidien. Nous n'étions pas aussi proches que je l'étais de ma mère. Il m'aimait et j'ai toujours été chère à ses yeux, mais nos contacts "en personne" étaient rares. Quelques fois par année, avec un appel par semaine, parfois aux deux semaines.

Si je calcule ça, six mois, c'est environ 2 visites. Environ 18-20 appels.

Avec maman, ça représentait moins de trois semaines.
Avec papa, ça représente six mois.

Son absence dans ma vie est moins flagrante. Mais le vide s'étire. Et c'est comme si j'oubliais qu'il ne rappellera pas. Que ça ne me servira à rien de composer son numéro de téléphone mardi prochain, pour lui souhaiter bonne fête. Qu'il n'appellera pas dans 2 semaines pour me chanter "joyeux anniversaire" et me dire que le jour de ma naissance a été le plus beau jour de sa vie. Qu'il ne viendra pas regarder vivre ses petits-enfants, dans le temps des Fêtes. Qu'on ne parlera pas de maman, ensemble pendant de longues minutes, la veille du Jour de l'An, pour "célébrer" le jour de son départ de nos vies.

J'ai signé mon deuil, cet après-midi.
Et puis, j'ai constaté que tout ce qui me lie à lui, ce sont des souvenirs.
Pas tous heureux, mais c'était nous.

Je sais maintenant pourquoi j'ai attendu. Mais je ne sais toujours pas comment vivre l'absence.
Je pleure toujours celle de maman, bientôt huit ans plus tard.
Mais malgré tout, c'était réconfortant de la partager encore avec mon père, aussi.

Ce décembre me semble bien gris, avec son anniversaire, le mien, le temps des Fêtes et la mort de ma mère.

Mais vous savez la toute dernière chose qu'il m'a dit, quatre jours avant sa mort, tout juste avant de s'endormir après ma visite à l'hôpital.

"Moi aussi j't'aime."


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